mercredi 23 juillet 2014

Correspondance

le 8 septembre 1934,

Amandine,


J'ai reçu hier ta lettre du 4 et celle-ci m'a fait plusieurs surprises

1° que Lucienne est fiancée, cela est au moins inattendu et explique certaine lettre que j'ai reçue d'un Mr Flandrinck à laquelle je n'avais pas répondu car je ne savais s'il s'agissait d'une fumisterie n'étant au courant de rien ni par Lucienne ni par toi et de plus ce  Monsieur, qui est peut-être très sympathique par ailleurs avait un tel français et une telle orthographe dans sa lettre que je ne pouvais lui supposer qu'une instruction très au-dessous de la moyenne et des moyens d'existence réduits par cela même ; peut-être n'est-il pas français, ce qui pourrait être une excuse.
Si tu as jugé qu'il pouvait convenir à Lucienne, je m'incline et te laisse la responsabilité de cet aléa, car tu penses bien que je ne désire que son bonheur, mais franchement, un peu plus de renseignements sur son fiancé n'aurait pas fait de mal, que fait-il, a t-il de la fortune, est-il français, quel est sont métier ?
Et surtout, étant donné les circonstances, tu aurais pu et du m'en avertir la première, car ce n'était pas la peine dans ce cas d'attendre que les fiançailles soient un fait accompli pour m'en avertir.
Mr Flandrinck eût été rassuré plus vite et c'eût été une stricte politesse.
Lucienne a été surprise une fois que je lui dise que j'étais fier d'être son père, eh bien ! En voilà encore une nouvelle preuve, vous arrangez tout cela sans m'en faire la moindre communication, comme si je n'existais pas, et si j'avais refusé, eu conséquence ?...
Rassurez-vous tous, il n'en est pas question, car malgré tout, Lucienne est ma fille et mes sentiments pour elle me font désirer tout son bonheur et mon consentement lui est pleinement acquis, et que mon futur gendre veuille bien ne pas m'en tenir rigueur ce que je souhaite puisque tout est bien qui finit bien, d'ailleurs, les amoureux oublient facilement !
Quant à la lettre que Lucienne m'a envoyée au mois de mai, je l'attends encore et j'étais plutôt mécontent de n'avoir pas eu de réponse depuis cet hiver.
Tu me dis que ce Monsieur demeure dans ta maison avenue Herbillon, cela aussi est nouveau pour moi, car j'ignorais que tu fusses si près de ta soeur.
En tout cas, bonne chance et bonheur aux futurs époux, et embrasse pour moi Lucienne qui j'espère me donnera de plus amples détails sur son fiancée.
Marcel


Amandine était mon arrière grande-mère, femme sévère et parmi celles qui osèrent divorcer, la mienne a du le faire en 1917 alors que la loi l'autorisait depuis 1793 mais peu de femmes osaient.
Marcel était son mari, un bel homme au regard bleu azur, un ingénieur issu de la bourgeoisie parisienne, fou de moto et intellectuel, inventeur du moteur d'avion ultra léger mais qui faute d'avoir déposé le brevet s'est fait piquer son invention.
Lucienne est ma grand-mère, 98 ans et elle a conservé quelques lettres de sa correspondance. Un bien précieux qui aujourd'hui ne se fait presque plus, je sais que certaines personnes griffonnent des petits carnets et c'est plutôt une bonne chose pour les générations à venir.
Mr Flandrinck était mon grand-père, pas difficile à deviner, pas une grande instruction effectivement mais très débrouillard et surtout très gentil. Ma grand mère l'a épousé plus pour avoir son émancipation que par amour, mais c'est tant mieux, aujourd'hui je suis là, ils étaient beaux non ?

D'autres à venir...

2 commentaires:

Anne - nissa - a dit…

De fait, c'est émouvant... Et on sent le "poids" paternel... ;-)
On avait un peu partagé sur ton héritage parental... mais je te reconnais bien à travers cette lignée...
Bises

Anonyme a dit…

Quelle belle idée de partager cette lettre, la photo et ton histoire ! Ma grand-mère paternelle s'est aussi mariée pour obtenir son émancipation plus que par amour ... Cela devait être dans l'air du temps d'alors. Bisous :-D

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