vendredi 14 mars 2014

Seule sur la route

Le printemps arrive déjà, le soleil commence à chauffer, les jonquilles sont de sortie et déjà on  pense à remiser les manteaux dans les armoires pour sortir les gilets.
Le temps passe, indubitablement et j'ai l'impression qu'il file sans moi, que je reste sur le chemin, je vois tout le monde avancer, passer devant moi s'éloigner et moi j'ai le sentiment de rester, comme figée par le temps.
De nombreux mois viennent de s'écouler, les larmes ont abîmées mes yeux, grisées ma peau, creusées mes rides, enlevées mon sourire.
J'ai essayé de mettre mon cerveau sur pause, mais un vilain acouphène vient de s'installer depuis des semaines, alors quand j'essaie de trouver le calme, les sifflements envahissent ma tête.
Il faut apprendre à faire le deuil, mais comment faire le deuil d'une personne vivante ? Il est là, il me voit, m'entend, ressent, souffre de ressentir, mais ne veut plus sortir de sa bulle dans laquelle il s'est enfermé depuis de longs mois. Parfois, j'ai le sentiment d'être au milieu de l'océan, je veux survivre mais à chaque fois que je sors la tête de l'eau une vague revient et me renvoie dans le fond.
Je sais que j'ai de la résistance, mais pour combien de temps ?
Combien de temps il va me falloir pour ne plus te regarder sans pleurer, ne pas avoir peur de passer du temps à tes côtés, accepter l'inacceptable et arriver à regretter que ce jour là n'était pas ton jour.
J'étais prête à la dégradation, j'étais prête à la perte d'autonomie, j'étais prête à accepter, j'étais prête à ta mort mais je n'étais pas prête au suicide.
Ce vilain mot, celui qui fait comprendre que stop, c'est terminé, je ne peux plus et ne veux plus continuer. Ma vie doit s'arrêter je n'ai plus d'armes pour combattre cette maladie. Nous n'avons pas eu besoin de te dire qu'il n'y avait plus d'espoir thérapeutique, ton cerveau rend malade ton corps mais il te laisse encore parfois la capacité de comprendre, de raisonner et d'envisager.
Je pensais être la plus forte des 3 mais finalement je suis probablement la plus faible. Je n'ai jamais été dans le déni mais aujourd'hui je suis dans la souffrance. Je n'accepte pas ta chute brutale, provoquée. Je déteste le fait de ne pas pouvoir t'en parler, je déteste l'état dans lequel tu t'es plongé et se sentiment que je t'en veux, un tout petit peu.
Je ne suis pas contre ceux qui se suicident, mais après pour ceux qui restent, il reste une souffrance tellement grande. Je comprends et j'accepte son geste, il me renvoie juste à ma propre vie, mon propre avenir, je me dis que si il a eu le courage de le faire alors moi aussi, si un jour je me trouve sans force et sans envie de continuer je le ferai et je ferai souffrir ceux qui m'aiment. Je déteste cette violence, cette acte soudain.

En ce moment en France, il y a un grand débat pour l'euthanasie assistée. Je pense qu'il faut vraiment ouvrir notre esprit à cet acte, ça ne rend pas la disparition d'une personne aimée moins douloureuse, mais ça prépare l'entourage à une disparition moins violente, moins choquante et surtout cela évite les actes manqués et les cicatrices ouvertes dans le coeur.





6 commentaires:

Mélissa a dit…

Tellement de tout coeur avec toi!
xxx

Manon,Stéph♡Mia a dit…

Bonjour Chrystel,
Ton message me touche et me rejoint beaucoup, nous avons véçu il y a plus d'un an le suicide de la soeur à Stéphane et le choc, la souffrance est indescriptible....Je comprend parfaitement comment tu te sens.... Je t'embrasse bien fort et je pense à toi


Manon

Anonyme a dit…

Oh Chrystel, je suis si touchée par ton message. J'aimerais pouvoir dire quelque chose qui aide, qui soulage, qui rende un peu moins lourde la vie ... Je pense à toi très très fort. Mes prières vont vers vous tous. Bisous ♥

Nathalie L a dit…

<3

Nat a dit…

Je t envoie d énormes bisous de réconfort, je pense très fort a toi dans ce moment très difficile, je t embrasse bien fort nat

Françoise a dit…

Je te serre dans mes bras et t'embrasse très fort
Françoise

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